3B – Liberté de la lumière vasculaire
3B- Liberté de la lumière vasculaire
La lumière résiduelle de l’artère est normalement anéchogène. Cependant, les images échographiques peuvent révéler des échos dont l’interprétation repose sur le contexte et l’analyse séméiologique.
1 – Les artefacts
L’image de la lumière vasculaire peut être souillée par de nombreux artefacts, en particulier lorsque la paroi elle-même est anormale :
– Les échos de répétition apparaissent lorsqu’une zone hypo-échogène est interposée entre la sonde et le vaisseau examiné. Tel est en particulier le cas de la veine jugulaire, dont les parois parallèles peuvent être le siège de réflexions successives des impulsions ultrasonores, qui font des allers-retours d’une paroi à l’autre, donnant naissance, chaque fois, à un écho qui vient se projeter à intervalles réguliers, avec une intensité décroissante, sur l’image des structures sous-jacentes, en l’occurrence dans la lumière carotidienne.
– Les ombres acoustiques : la présence de lésions calcifiées, par exemple sur le versant superficiel de l’artère, provoque une réflexion massive des ultrasons de sorte que l’énergie acoustique disponible n’est plus suffisante pour explorer les structures sous-jacentes. La lumière artérielle est alors masquée.
– Les autres artefacts : de nombreuses causes d’artefacts apparaissent lorsque l’opérateur est amené à augmenter le gain, qu’il s’agisse du bruit de fond, de lobes de réseau, de défaut de résolution azimutale (affichage d’images provenant de plans extérieurs au plan de coupe théorique)… L’une des particularités de ces échos est de se déplacer dans la lumière lorsque l’opérateur modifie l’incidence, ce qui permet de démontrer leur nature artefactielle.
2 – L’échogénicité du sang circulant
Dans les conditions usuelles de l’échographie, le sang circulant n’est pas échogène. Cependant, cette absence d’échos n’est que relative, et le flux sanguin peut devenir échogène :
– Soit lorsque l’agrégation érythrocytaire augmente, ce qui se produit essentiellement lors de la stase sanguine, quelle qu’en soit la cause(fig. 22), et se trouve favorisé par diverses altérations biologiques (hyperthermie, syndrome inflammatoire, augmentation du taux de fibrinogène..). Les images de volutes tourbillonnantes qui en résultent doivent donc être interprétées en fonction du contexte clinique : cet aspect est, par exemple, banal au sein d’un faux-anévrisme, et s’observe aussi souvent en amont d’une occlusion totale (dans la lumière de l’éventuel moignon artériel), ou dans les cas (rares) de « phlébite bleue » (phlegmatia coerulea dolens) lorsque l’obstacle au retour veineux est si massif qu’il retentit sur le versant artériel.
– Soit lorsque des interfaces apparaissent au sein de l’écoulement sanguin lorsque du sang de composition, concentration ou température différente se mélange, ce qui se produit normalement à certaines confluences essentiellement sur le versant veineux.
– Soit lorsque les conditions techniques le permettent. L’échogénicité du sang circulant résulte des interférences acoustiques en présence de diffuseurs multiples, et la diffusion augmente avec la fréquence ultrasonore. Les sondes de très haute fréquence permettent donc de visualiser plus aisément ces échos du sang circulant (qui sont banals en échographie endovasculaire, par exemple),a fortiorien mode d’imagerie harmonique.
Figure 22: Image échographique en coupe longitudinale (en haut) et transversale (en bas) montrant une stase sanguine échogène banale au niveau des replis valvulaires, sur la veine fémorale.
3 – La thrombose
La présence d’une thrombose au sein de la lumière artérielle n’est pas une situation exceptionnelle, mais il est souvent très difficile de l’identifier en tant que telle et, surtout, de la distinguer des lésions pariétales (généralement athéromateuse) auxquelles elle est souvent associée.
3.1 L’embole
La situation la plus « simple » est celle d’un embole isolé, lorsque le tableau clinique est évocateur tandis que l’examen échographique montre des axes artériels indemnes de toute lésion athéromateuse(fig. 23). La forme typique est celle d’un amas échogène homogène, emplissant la lumière artérielle et présentant, avec la paroi, un raccordement à angle aigu (en ménisque). L’embole siège le plus souvent immédiatement en amont d’une bifurcation (aortique, iliaque, fémorale, poplitée…) ou dans le bulbe carotidien.
Figure 23: Coupe échographique longitudinale montrant l’obstruction totale de la lumière de la carotide interne par un matériel iso-échogène. Noter, d’une part, l’absence de lésion athéromateuse visible, d’autre part le signal Doppler se limitant à un bref impact systolique traduisant la butée de l’onde artérielle sur la thrombose récente.
L’échogénicité du thrombus fait l’objet de descriptions diverses, et la thrombose récente est souvent considérée comme étant hypo-échogène, alors que l’expérience montre qu’un thrombus très récent est en fait tout à fait échogène, comme l’est la stase marquée qui peut le précéder.
De même, on peut observer une échogénicité du sang en amont de la thrombose, et cette échogénicité peut être elle-même le prélude à la thrombose, par exemple dans le moignon artériel d’amont. Cette thrombose n’a alors plus le même aspect que l’embole lui-même, puisque le raccordement à la paroi se fait à angle obtus. Avec le temps, l’échogénicité du thrombus devient variable, d’abord moins échogène, parfois anéchogène, souvent hétérogène.
Par ailleurs, l’échographie en temps réel peut montrer deux caractéristiques évocatrices de la thrombose récente :
– Le thrombus « frais » se tasse sur lui-même à chaque impact systolique(fig. 24).
– L’artère, dans la région de l’occlusion totale, ne présente plus la pulsatilité transversale normale, mais parfois un glissement systolique longitudinal. Ce signe n’est cependant spécifique ni de la nature de l’obstacle (embole, obstruction athéromateuse, dissection, thrombosein situ…), ni de son caractère total ou sub-total.
3.2 La thrombose et l’athéro-thrombose
Lorsque l’échographie montre, sur l’axe intéressé et sur d’autres artères, des lésions athéromateuses « banales », le diagnostic de thrombose sur plaque athéromateuse préexistante est plus probable, mais l’échographie est généralement incapable de distinguer clairement ce qui relève de l’athérome et de ses remaniements (hémorragie, nécrose…) et ce qui correspond à la thrombose récente, hormis lorsqu’un examen a pu être réalisé au même site très récemment, ou face à l’image d’un thrombus souple, éventuellement mobile, appendu à une plaque bien individualisée(fig. 24).
Figure 24: Thrombus mobile de la carotide interne gauche, chez une jeune femme, indemne de lésion athéromateuse, ayant présenté un accident vasculaire cérébral dans le territoire correspondant.